« L’eau ferrugineuse, oui ! », clamait Bourvil dans son sketch en 1950. Le célèbre acteur aurait été un bon promoteur des eaux du Bois Bordet, dont on vantait toutes les vertus au début du 20e siècle. La source de Lacapelle-Marival, si elle n’a pas connu les ambitions qu’on lui destinait, reste néanmoins ancrée dans l’histoire locale.
C’est un lieu perdu dans les bois, sur les hauteurs de Lacapelle-Marival. Au bout d’un court chemin de terre trône un petit édifice, inscrit dans un talus. Les outrages du temps n’ont pas effacé la volonté ostentatoire de marquer l’endroit pour longtemps : d’allure massive, couronné de belles pierres de taille, l’ouvrage a été fait pour durer.
À la gloire de quel héros peut bien rendre hommage ce mémorial solitaire ? Un simple robinet et une grande plaque de marbre gravée révèlent l’objet de sa présence : « Eau minérale de Lacapelle-Marival – Source du Bois Bordet – Bicarbonatée calcique magnésienne ferrugineuse ».
S’il semble aujourd’hui à l’abandon, ce lieu demeure bien connu de tous les marivalois. Il n’est pas rare que les véhicules s’y succèdent ; les bras chargés de bouteilles, on vient y chercher son eau de la semaine. Cette fréquentation n’est pas nouvelle : au début du siècle dernier, les eaux réputées du Bois Bordet faisaient courir les foules du dimanche, et la source échappa de peu aux ambitions d’un autre destin.
Une eau bicarbonatée calcique magnésienne ferrugineuse
En 1901, une publication du Docteur Cadiergues, intitulée « Lacapelle-Marival – Ses eaux minérales et leur valeur thérapeutique », parait cette source de toutes les vertus. Figure et longtemps maire de la ville, le Docteur Georges Cadiergues fit preuve d’un engouement passionné pour cette eau « dont les propriétés bienfaisantes sont connues dans le pays depuis la plus haute antiquité », affirmait-il.
Son argumentaire s’appuyait sur une analyse commandée à l’Ecole des Mines, qui livrait une description physico-chimique très détaillée de l’eau du Bois Bordet, et venait confirmer, à ses yeux, les qualités issues de son passage à travers les « rochers de mélaphyres », dont les composantes géologiques donnaient à la source toute sa richesse. Classée parmi les eaux bicarbonatées calciques, magnésiennes et ferrugineuses froides, l’eau de Lacapelle-Marival y était présentée comme faisant partie de la famille des eaux faiblement minéralisées à suractivité osmotique, rejoignant ainsi celles d’Evian et de Thonon.
Déjà connue dans le pays comme la « foun purgaïre », aux vertus diurétique et laxative, la source du Bois Bordet est décrite comme stimulante pour la nutrition par le Docteur Cadiergues : « Le buveur d’eau du Bois Bordet a toujours faim, la nutrition de ses tissus est accélérée. Sa digestion est facile et rapide. » Il propose dans sa publication une liste impressionnante d’applications thérapeutiques : les eaux sont conseillées contre la goutte, les gravelle urinaires et la colique néphrétique, les cystites chroniques et catarrhes, le diabète sucré, les maladies de l’estomac, les engorgements du foie et même les désagréments de la ménopause. Les doses adaptées à chaque indication y sont précisées, faisant de ce plaidoyer le pendant scientifique de pratiques déjà anciennes, ainsi que l’affirme l’auteur : « De nombreux buveurs venaient chaque année de fort loin, boire des eaux et suivre d’eux-mêmes un traitement approprié à leur état ».
Enfin, arguant d’une eau fortement oxygénée, le Docteur Cadiergues vantait aussi la qualité de la source au quotidien : « Nous ne craignons pas d’affirmer que pour l’usage de la table, aucune eau ne peut être supérieure à celle du Bois Bordet », écrivait-il.
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Texte et photos Christophe Pélaprat (sauf mentions spéciales)