Une ballade ou une balade ou une ballade ! L’invitation ne laisse guère d’hésitation, elle prend deux “l”, et deux ailes en définitive, pour engager le survol inaccoutumé et poétique de nos villages écrins, villages fortins ou villages jardins ; de nos villages perchés ou bastides de plaine, cités fortifiées ou villes riveraines…, du Lot, de la Dordogne, de l’Aveyron, du Tarn et de la Garonne.
Aussi repartirons-nous vers ces lieux attendus ou plus secrets, étapes jalonnées de ces pays institutionnels et désormais identifiés du Quercy : le pays de Cahors, de la vallée du Lot et du vignoble, fluvial et œnologique, le parc naturel régional des causses du Quercy, calcaire, central et emblématique, le pays de la vallée de la Dordogne lotoise, septentrional et patrimonial, le pays de Figeac, du Ségala au Lot-Célé, oriental et bicéphale, le pays bourian, occidental et mordoré, le pays montalbanais, méridien et déjà tou- lousain, le pays Quercy-Garonne, aquitain et ouvert, et le pays Midi-Quercy, presque languedocien.
Ces “pays” étaient déjà à l’époque celte, constitutifs de la première région historique du Quercy. Un Quercy qui sera bientôt au nombre des civitas, cités gallo-romaines qui formeront le berceau des diocèses chré- tiens, puis des comtés carolingiens : Rouergue, Agenais, Gascogne, Aunis, Saintonge, Angoumois. Ensemble ils composaient les territoires de l’antique Aquitaine. Plus tard, et parmi eux, les pays situés entre l’Auvergne, le Languedoc, la Gascogne et la Saintonge, se trouveront pendant plusieurs siècles sous la dénomination de Guyenne, ancienne province curieusement éva- nouie dans les mémoires, contrairement à la Provence, la Bretagne ou la Bourgogne.
C’est à la fin du Moyen Âge, par la prise de possession progressive du Midi par le royaume de France, dans l’affirmation de la lignée capétienne, que la Guyenne entamera sa lente dissolution. Jadis moteur de l’unité géographique des territoires de cette vaste région, les rivières aquitaines convergeaient grâce au bassin de la Garonne vers Bordeaux, porte de l’Atlantique et surtout capitale de la Guyenne anglaise. Certes et ô combien promoteurs de commerce et de développement, les princes anglais seront comme l’on sait contraints de quitter leur “héritage” de la terre de France ; ils l’abandonneront ainsi à un premier centralisme d’Etat confirmé par la suite. L’éloignement des pays guyennais entre montagnes et océan, le découpage administratif au XVIIe siècle des généralités distinctes de Bordeaux et de Montauban, mais aussi la construction par les grands intendants de routes avec leurs relais de poste en direction de Paris, ne front qu’amplifier ce retour aux petites entités régionales. Un fait consacré par le regroupement observable lors de la création des départements par les Constituants en 1790, entre notamment l’Aveyron et le Rouergue, la Dordogne et le Périgord, et bien sûr le Lot et le Quercy.
Par le chausse-pied révolutionnaire, le département du Lot retrouvait ainsi sa pointure histo- rique ; ce n’est qu’en 1808 que sera créé le Tarn-et-Garonne, constitué pour l’essentiel du Bas-Quercy et de Montauban, auxquels on adjoindra des communes du Lot-et-Garonne, du Gers, de la Haute-Garonne, du Tarn et de l’Aveyron, soit des terres de l’Agenais, de l’Armagnac et de la Lomagne (Gascogne).
Toutes les villes et les villages ne suscitent pas le même attrait, ni la même curiosité. Bien des critères fondent en effet la singularité d’un lieu, son cadre naturel, tout d’abord, parfois exceptionnel (Rocamadour, Saint-Cirq-Lapopie, Bruniquel), son origine et sa définition historique, oppidum, castrum, bastide (Capdenac-le-Haut, Montricoux, Bretenoux, Lauzerte), l’importance de son patrimoine bâti, monumental ou secondaire (Cahors, Montauban, Figeac, Moissac, mais aussi Limogne, Aujols, Laburgade, Montjoi ou Bioule), enfin les soins particu liers de sauvegarde et d’embellissement, souvent conjoints, apportés par les édiles et par les habitants, notamment lors du fleurissement saisonnier.
C’est ainsi qu’apparaissent des formes de classification et leurs logotypes, que l’on a coutume de dis- tinguer le plus souvent en entrées de villes et qui supposent tout à la fois la qualité de l’accueil, celle du cadre de vie, ou l’intérêt historique et patrimonial. Qui parmi les visiteurs d’une région pourrait prétendre à déterminer la date de création des plus beaux villages de France, d’en citer les lauréats dans son département, ou ceux des villes et villages fleuris ; de nommer les bastides, les villes ou pays d’art et d’histoire, tous pourtant dûment identifiés par une charte graphique matérialisée par des panneaux.
La revendication patrimoniale s’étend bien au-delà, dans une communication spécifiée, natio- nale voire internationale, où l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, ou la politique des grands sites, forment l’élite d’une compétition où se rattachent également les Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle ou les commanderies templières et hospitalières. Il en va de même du passionnant phénomène des bastides, propre au Midi aquitain, encore trouve-t-il ses équiva- lents dans la péninsule ibérique ou les pays d’Europe de l’Est, dans le concept des villes nouvelles (villes neuves, villes franches), au tracé géométrique centré sur une place, siège de l’administration et du com- merce au Moyen Âge.
Les routes des vins, terres des oliviers, ou plus proche de la Dordogne, la route de la noix, sont parmi d’autres formulations d’appartenance identitaire. Les journées européennes du patrimoine et des jardins, sont une occasion supplémentaire de compléter le dispositif des localités, avec l’apport secourable du tissu associatif… Mais déroulons plus précisément quelques-uns de ces “labels” pour leur occurrence en Quercy, ou pour l’antériorité de leur création.
La plus ancienne des initiatives. Confié depuis 1988 aux départements, le concours des villes et villages fleuris trouve son origine en 1959, sous l’égide du ministère d’alors en charge du tourisme, et comme aboutissement d’une démarche initiée dès les années 20.
A la croisée du développement des sociétés horticoles du XIXe siècle, des nouvelles conceptions sanitaires et hygiénistes, ainsi que de la volonté d’introduire le fleurissement dans l’espace public, l’idée d’embellissement et d’attractivité d’une ville, d’un village ou d’un terroir, est venue coïncider avec les premiers grands déplacements de villégiature à travers la France. Une préoccupation destinée à séduire une clientèle anglo-saxonne et aisée qui traversait le pays. Ce furent donc les gares, les pompeux hôtels de ville des capitales de province, et les villes d’eaux, qui entamèrent cette quête esthétisante. Le Tourning Club de France (TCF) imaginera en effet un réseau de gares et d’hôtels fleuris, et proposera un premier concours de “villages coquets” en 1920. Plus ambitieux, un circuit de “routes fleuries” fut interrompu en 1939, puisque la France sera malheureusement contrainte de troquer la fleur contre le fusil, en étant confrontée cette fois à des enjeux plus vitaux.
En 1950, le journal Rustica et l’as- sociation nationale d’horticulture s’associeront au TCF pour relancer et pérenniser cette initiative. Robert Buron, ministre des transports, des travaux publics et du tourisme instituera donc en 1959, le premier concours national “villes et villages fleuris”, auxquels participeront déjà 600 localités. Les préfets seront chargés de recueillir les inscriptions, et la vague d’engouement qui s’en suivra conduira à l’attribution d’un palmarès départemental. Un slogan apparaît alors “fleurir c’est accueillir”, et la coordination est confiée en 1972 à une association, le Conseil national pour le fleurissement, depuis converti en Conseil national des villes et villages fleuris. Un jury de 2 500 personnes man datées par les collectivités (23 %), des professionnels de l’horticulture, de l’environnement et des aménagements paysagers (26 %), des élus (15%), des professions du tourisme (15%), des associations, particuliers et journalistes (18%), participent à l’attribution du label articulé en quatre niveaux (1,2,3 et 4 fleurs). Les communes présélectionnées à l’échelon départemental, doivent satisfaire à trois ensembles de critères : la conformité au patrimoine paysager et végétal de leur terroir, l’animation et la valorisation touristique de leur patrimoine, enfin, les efforts entrepris par la municipalité autour du cadre de vie, de la sauvegarde du bâti et du développement durable. La région attribue les trois premiers échelons du label, et propose au conseil national ses candidats pour la 4e fleur…
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Texte. Ph. Pierre – DireLOT Magazine