Accents de Bohème à Sainte-Néboule
« C’est un lieu peu ordinaire, très spirituel, privilégié pour méditer », assure d’emblée la maîtresse des lieux. Nul besoin de ces précisions pour ressentir à Sainte-Néboule l’ambiance hors du temps et l’empreinte mystique qui émanent de ce corps de bâtisses dissimulé sur les causses de Béduer.
L’on s’attendrait presque à voir surgir un chevalier en armure de l’une des portes en ogive, tandis que la prestance de ladie farmer d’Isabelle Veverka ajoute à ces lieux la touche de noblesse qui lui sied.
L’insolite toponyme de Sainte-Néboule serait issu de Saint-Anatole, évêque de Cahors. Centre d’une paroisse, ce fut un hôpital médiéval doté d’une église, aux 12e et 13e siècles, ainsi qu’en atteste une bulle du Pape Eugène III de 1116. Une sorte de relais particulier, un gîte d’étape thérapeutique sur le chemin des pèlerins.
Il se dit que, de ses deux hautes tours, l’on apercevait l’église d’Assier ; ces attributs d’envergure ne résisteront pas à la Guerre de Cent ans, mais les vestiges actuels n’en sont pas moins prestigieux.
L’ancien réfectoire du rez-de-chaussée, entièrement voûté, jouxte une chapelle, tandis qu’à l’étage, l’immense salle qu’occupait le dortoir, a gardé son imposante cheminée et ses pièces de charpente d’origine.
Sainte-Néboule témoigne aussi d’un vaste domaine agricole d’alors 4000 hectares. Autour, des granges, un extraordinaire pigeonnier à colombage sur piles, ainsi qu’un grand bassin dallé complètent la richesse oubliée de ce clos perdu au milieu des bois, dans lesquels pâturent aujourd’hui les chevaux d’Isabelle.
« C’est ainsi que les Veverka, sillonnant les routes du Lot à la recherche d’un nouveau pied à terre, stoppèrent leur limousine un jour de 1961 devant les portes de Sainte-Néboule. »
Isabelle Veverka n’avait qu’un an et demi lorsque sa famille vint ici trouver son ultime refuge. Son grand-père, haut dignitaire tchécoslovaque ayant fuit le Coup de Prague en 1948, fut d’abord accueilli dans l’Ethiopie d’Haïlé Sélassié, où elle naquit.
Puis, contraint de fuir à nouveau, il fut invité par De Gaulle à venir dans le Sud de la France. C’est ainsi que les Veverka, sillonnant les routes du Lot à la recherche d’un nouveau pied à terre, stoppèrent leur limousine un jour de 1961 devant les portes de Sainte-Néboule. Ce sera leur dernière demeure.
C’est dans une immense maison vide qu’ils aménagèrent au début, dépouillée de son mobilier d’origine par les précédents propriétaires. « Chaque hiver, nous occupions une nouvelle pièce. Le chauffage central n’a été installé que 30 ans plus tard. »
Aujourd’hui encore, le confort moderne s’accommode mal de ces vastes espaces. Mais Isabelle, en immuable gardienne, fait fi de ces contraintes au profit de la passion des lieux qui l’anime.
Son chef d’œuvre : la restauration de la chapelle, longtemps murée en citerne, de la reconquête des sols au marteau-piqueur jusqu’aux peintures et vitraux. En 2011, elle fit consacrer par l’évêque de Cahors le renouveau de ce lieu de culte. « Il faut entretenir l’esprit de Sainte-Néboule. »
Texte et photo Christophe Pélaprat