Eugène, évadé du Stalag de Trèves, s’est caché à Paris chez son frère. Fin Août 1941 il passe la ligne de démarcation pour rejoindre Marthe sa mère qui tenait avant-guerre un bistrot à Paris, devenue agricultrice à Manen sur le Causse de Floirac où elle a suivi son compagnon Albert Valette.
C’est en fin d’après-midi que j’ai débarqué à Manen sur le Causse, en plein dépiquage, avec la batteuse au milieu de la cour de la ferme. La batteuse, presque aussi ventrue qu’un wagon de marchandises, c’était la grande dame de l’été, celle que chaque ferme attendait et qui se faisait désirer pour s’inviter chez vous, à l’aube, comme un cheval de Troie.
« c’était la grande dame de l’été, celle que chaque ferme attendait et qui se faisait désirer pour s’inviter chez vous »
Grande dévoreuse de meules levées par un moissonneur architecte au geste sûr, elle s’annonçait sur le chemin caillouteux dans un concert discordant de ahans, de grincements de roues ferrées, de cris et de rires, précédée d’une cohorte de fourches, halée comme chaland par deux paires de Salers, flamboyants et moirés.
Le monstre était doté d’une trappe dorsale béante ouvrant sur un rouleau muni de battes tournant à grande vitesse qui ne rechignaient pas en fin de journée caniculaire, à happer en même temps que la gerbe, une main trop lasse, trop lente à trancher au couteau le lien d’attache ou un pied maladroit pris de … De belles histoires, des reportages sur l’histoire, la nature et la culture lotoise, DireLOT magazine vous en propose à chaque n°… abonnez vous ici : https://direlot.fr/boutique/abonnements/abonnement-6-numeros-hors-serie/
Texte – Alain Idez / Photos DireLot