Plus de ent ans de tourisme enluminé
De la bougie stéarique à l’électrification de la grotte, c’est le siècle des “lumières” de Padirac, offertes à un public élargi depuis le premier visiteur payant le 1er novembre 1898 jusqu’à l’actuel millénaire. On sait quelle fut la volonté première d’Edouard-Alfred Martel : ouvrir le Gouffre. Il avait lui-même célébré les beautés superlatives du lieu, relayé par la presse du temps, “un voyage fantastique dans ce décor de fleurs de marbre, lotus pétrifiés, anémones de stucs, de bustes d’albâtre”, désignant ce “gouffre d’agrément, curiosité de la nature à l’usage des sciences et du public”, ou décrivant le Grand Dôme, “véritable basilique souterraine”. En 1900, lors de l’Exposition universelle à Paris, Martel présidera d’ailleurs avec son beau-frère Louis de Launay, professeur à l’école des Mines, à une restitution de la grotte sous la butte de Chaillot, véritable spectacle et accélérateur de curiosité pour le public, indubitablement tenté d’aller voir sur place…
Après avoir racheté tous les terrains concernés par l’emprise des galeries – six ans d’acquisition auprès de propriétaires jaloux de leur bien et moyennant une clause de partage, s’il y avait lieu, du “trésor du Prince Noir” (le revoici !) -, le spéléologue avait pu comme évoqué plus haut, concevoir les bases financières et légales de son projet dès 1897. L’escalier de type Eiffel, les premiers aménagements et l’inauguration d’avril 1899, devaient enclencher l’engouement de personnalités, promptes déjà, à se montrer au Gouffre ou sur le belvédère de son restaurant troglodytique. Visiteuse prestigieuse, Sa Majesté Ranavalona III, dernière reine malgache, y déjeuna en 1903 au côté d’Armand Viré, administrateur, Henri Lavedan de l’académie française, et précéda Georges Clemenceau en 1911, Sarah Bernhard et Georges Courteline en 1913. Bien plus tard et après l’inauguration en 1939 du Nouveau Padirac par Anatole de Monzie, député-maire de Cahors et ministre des travaux publics sous Daladier, le Gouffre accueillera entre autres avec le spéléologue Norbert Casteret, biographe de Martel, le président du conseil de la République et sénateur du Lot Gaston Monnerville en 1950.

Un ascenseur installé dans les années 30, et désormais le plein accès à la salle du Grand Dôme (ses fleurs de calcaire, piles d’assiettes, bénitiers d’église et méduses arrondies), sa voûte dominant à 68 mètres au-dessus du lac Supérieur et 91 mètres de la rivière Plane, fondaient l’attractivité et les qualités d’accueil du Gouffre : les visiteurs se précipitaient à l’embarcadère de la rivière souterraine (près de 104 000 entrées en 1947). Entre temps, et sous l’impulsion de William Beanish, la communication autour de Padirac et la reprise des explorations contribueront à l’essor conjoint de sa notoriété et de sa connaissance scientifique. Alors que les illustrateurs Gaston Vuiller, Hugo d’Alesi, Constant Duval, Lucien Rudaux ou Robert Roquin, avaient esquissé les contours féeriques du Puits au premier tiers du XXe siècle, que les trains des chemins de fer désignaient le gouffre comme emblématique du Sud-Ouest aux côtés du cirque de Montvalent ou d’Autoire, les guides touristiques ou les revues plébiscitaient “l’attraction numéro 1 du sous-sol français”, “le royaume du fantastique, du féerique, de l’irréel” parcouru par la rivière de Padirac, ou ailleurs “l’harmonie dans le colossal”.
En 1938, lorsque meurt Edouard-Alfred Martel, “la sortie” de la rivière n’est pas encore révélée, mais il trouvera en Mr Beamish un successeur dans la poursuite de la révélation du réseau ultérieur. Le jeune Guy de Lavaur se voit confier la mise au jour du “Padirac inconnu”, au-delà de la Grande Barrière, et à nouveau prometteur “d’un spectacle des plus grandioses”. 300 mètres de plus en 1938, mais un coup d’arrêt : les limites imposées par le matériel, et l’annonce du prochain conflit mondial dans les propos à peine voilés d’Anatole de Monzie à l’inauguration de 1939, devant la presse mondiale et à l’adresse des organisateurs : “vous avez accompli un geste symbolique en faisant jouer La Marseillaise au-dessus du Gouffre”.
Un site à découvrir en famille dès le printemps !
Textes Philippe Pierre / DireLOT