Parmi les “plus beaux villages de France” lui-aussi, Cardaillac répond certainement à l’image la plus attachante qui puisse se faire de l’association d’un fort médiéval et d’un bourg. Berceau de l’une des plus puissantes familles du Quercy, désigné au loin de la route de Gramat par ses deux tours sentinelles, il se signale comme le petit château gaillard des contreforts ségalins, et l’ambassade patrimoniale de sa châtaigneraie.
Epaulé sur la terrasse de son éperon rocheux, dominant le concours des vallées du Murat et du Drauzou, tel apparaît le fort, mi-démantelé mi-offensif. Il présente la physionomie guerrière d’une implantation primitive, initiée à l’orée du XIIesiècle, et prémisse d’une ville ouverte par delà les fossés, d’une part au pied d’une tour de défense au nord-est disparue depuis, autour du foirail au sud-est, d’autre part. C’est la triple répartition du bourg actuel, sur cette pente annonciatrice du mont Saint-Bressou (617 mètres), dans son pittoresque touristique et ses témoignages historiques. C’est aussi l’intérêt patrimonial de ce village “éclaté”, qualificatif d’ailleurs judicieusement adopté par le musée du village, de création indépendante, et reflet des différents ateliers d’artisanat et pratiques d’antan, répartis au hasard des rues.
Une lignée, six branches, et un prosélytisme religieux
Cardaillac, le patronyme déjà a du corps et de la vaillance ! Il se fait connaître dès 1064 quand Hugues de Cardaillac rend hommage au comte de Toulouse ; le fort ne montre sa puissance que beaucoup plus tard, lorsqu’il s’impose au centre de sa baronnie régnante sur une vingtaine de paroisses (1300). Il se compose alors d’une enceinte triangulaire, devancée par deux tours carrées isolées, l’une au sud, la tour Marquèze, démolie en 1816 (à son emplacement une grange et un chapiteau roman en remploi figurant la luxure), l’autre au nord, dite plus tard tour de Thémines, abattue en 1605 par les consuls pour consolider les remparts. Egalement disparue, une troisième structure, engagée dans l’enceinte cette fois, assurait la défense du fort, au sud à nouveau.
Les deux tours quadrangulaires qui émergent fièrement du village actuel, les plus anciennes, protégeaient les flancs est et ouest du dispositif. La première, tour de l’Horloge ou des Barons, de ses 25 mètres de haut, proclame la juridiction indivise des six familles de Cardaillac : elle conserve sa rangée de corbeaux à triples ressauts, et en son sommet une cloche, dont le mécanisme en fer forgé est aujourd’hui présenté au musée de Figeac ; elle fut le siège de la prison jusqu’à la Révolution, et site d’exécution par pendaison aussi… La seconde, la tour de Sagnes ou de Lacapelle (début XIIIe), dominant à 21 mètres, est robustement assise (murs de 1,80 mètre à sa base) ; on y accédait par une passerelle reliée aux remparts et une porte à 4,50 mètres du sol (un escalier métallique abrupte permet aujourd’hui aux visiteurs d’y accéder, et de profiter en son sommet d’un point de vue d’exception sur le fort).
A l’instar du castrum de Capdenac-le-Haut, le fort réunit, outre les logis seigneuriaux et les maisons de chevaliers, les bâtisses modestes des artisans et paysans, ainsi protégées dans l’enceinte autour du puits profond de 21 mètres de la place del Manganel, ou en appui aveugle des fortifications. Au seuil du XIVe siècle, six branches de la lignée ont déjà essaimé dans tout le Quercy. Les Thémines et les Lacapelle au nord : le château seigneurial des premiers au bourg éponyme fut rasé en 1793, ils avaient donné le futur et fameux sénéchal du Quercy Pons de Lauzières-Thémines, seigneur de Gourdon et contempteur des Ligueurs ; les seconds en leur forteresse de la capitale du Limargue et marquisat depuis Louis XIV ; les Saint-Cirq et les Brengues-Montbrun, établis respectivement en co-seigneurie à Saint-Cirq-Lapopie puis Cieurac et dans les vallées du Célé et du Lot ; enfin les Varaire et les Bioule, les uns dans leur puissante tour XIIIe du lieu dont un évêque de Cahors, François de Cardaillac-Varaire, les autres en leur château de brique des bords de l’Aveyron, en vis-à-vis de la place protestante de Nègrepelisse (Tarn-et-Garonne).
Dans la première moitié du XIIe siècle, le fort doit repousser les attaques récurrentes des armées à la solde des Anglais. Le vaillant seigneur de Cardaillac-Montbrun, Marquèze, défendit avec fougue et de longs jours durant la tour isolée au sud et hors les murs, première à subir les assauts étrangers, et qui conservera son nom en hommage (jusqu’à sa destruction…). Lors des conflits religieux, Cardaillac opte pour la RPR, religion prétendument réformée, et le fort est consacré place de sûreté après l’Edit de Nantes. Le bourg revient en revanche aux Catholiques alors que son église est ruinée, lesquels sont d’ailleurs soutenus par la branche Lacapelle. Plus tard, les Protestants rangés derrière le vieux duc de Sully, devront se soumettre à Louis XIII, et, consécutivement à la paix d’Alès en 1629, les défenses de Cardaillac seront démantelées, et avec elles, la petite prospérité de la cité abolie.
Une promenade historique entre le fort, le place de la Tour et le Mercadiol
Le visiteur, qui s’est imprégné de ces pages glorieuses en parcourant les ruelles du fort et ses hauts murs en moellons de grès doré (une charmante tourelle ronde et tronquée, à escalier à vis et blason martelé, vestige d’un logis XVIe, se dévoile au bas du village), s’il a pu aussi profiter d’une journée animée de foire à la brocante, saura aussi gravir la butte jusqu’à la place de la Tour, emplacement de l’ancienne tour de Thémines, et siège du Musée éclaté parmi la maison des Barons (XVe). Une visite instructive et savoureuse lui sera alors proposée à travers les siècles, dans la découverte de lieux traditionnels, atelier du “comportier” et du sabotier, séchoir à châtaignes, maison ségaline ou salle de classe d’antan. Il regagnera aussi le périmètre coloré des terrasses d’auberges et poussera de quelques pas vers le quartier du Mercadiol, et autour de l’ancien foirail triangulaire (ensemble de maisons médiévales). Un lointain prieuré disparu y tenait ses dépendances et ses jardins, cultivés par la suite de variétés estimées de haricots verts et d’oignons. Reconstruite sur ses fondations d’origine après la guerre de Religion, l’église Saint-Julien (XVII-XIXe) témoigne par delà la route du sanctuaire prieural de ce premier établissement, fondé par l’abbaye de Figeac.
Alentour, outre l’église romane Saint-Pierre de Fourmagnac et sa grappe de modillons, dépendance de Figeac elle-aussi, sa “petite maison des moines” et sa fontaine pétrifiante, les premiers replis du causse réservent les charmes du village d’Issepts (petit balcon sur la Dourmelle et ses moulins), et du bourg jadis important de Fons, entre un prieuré clunisien et une bastide par paréage royal en 1323. La petite cité connut ses grands marchands et ses consuls, et subit les vicissitudes anglaises et protestantes. Elle dut son déclin à la suppression de son canton par Napoléon, mais compte toujours quelques joyaux : halle en pierre, église Saint-André en hauteur sur le premier site castral, église Notre-Dame-des-Artels XVIIIe et ses bâtiments monastiques, château du Roc, et maison Reveillac sur ses hauteurs. Ces communes ouvrent des cheminements vers les étendues du causse de Gramat, territoires aux tonalités divergeant du Limargue.
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Texte Ph.Pierre – DireLOT