Tous les Samedis du mois, DIRELOT vous invite à la découverte de la bouriane…
Entre châtellenie des Pestilhac et semis d’implantations prieurales, abondance de sources et petites industries de terres ou de pierres, voici Gigouzac en écrin de village, au croisement du Vert et du ruisseau du Trévès. Un discret petit condensé d’architecture paysanne, de façades pieuses ou médiévales, et le récit d’une coutume entre chapelle et petit pont de pierre.
Venu du nord, de Brive et de Souillac, ou des écarts du causse depuis Labastide-Murat, et pour qui souhaite gagner la basse vallée du Lot et s’affranchir de Cahors, c’est par le couloir transversal du Vert qu’il convient de cheminer. Depuis ses sources sur le plateau, on y abandonne Ussel, dans la mémoire de son vieux castrum ruiné et belliqueux, pour accoster Mechmont dans un virage, site là-encore évanoui, de la seigneurie ombrageuse des barons de Pestilhac au XIIIe siècle. Guillaume “de Guerre” car tel était son surnom, y persécutait toute la vallée du Vert avec l’appui zélé de ses milites castri, chevaliers compères, accourus depuis leurs mottes et leurs repaires, de ceux qui hérissaient toute la contrée.
Au recueil d’une descente serpentée, dans un paysage d’hésitation entre couverts boisés et cévennes, annoncé comme une oasis, Gigouzac apporte d’emblée sa note herbue dans le cours bavard des ruisseaux et le souvenir du foirail.
Siège d’une châtellenie, fief de la seigneurie susnommée, Gigouzac comptait son château encore cité en 1360, comme enjeu entre les partis anglais et français. Il n’est plus, obéré par la Révolution, mais il laisse un village dans une variété de composition : quelques beaux colombiers à coupoles de lauzes et lanterneaux sur les hauteurs (XVII, XIXe), un ancien moulin seigneurial et son bief retenus sur le Vert, et sur la placette principale une maison rurale, à bolet et toit celtique (1823). En lisière et sur la route de Saint-Germain, une belle demeure de caractère est cantonnée de pigeonniers-tours, dont un en colombages. Elle s’entoure d’un parc arboré et fleuri.
Au cœur du bourg aussi, ce vieux four restauré et et l’ancien presbytère, arborant sa belle croisée de pierre. C’est dire que l’église est toute proche…
Une charmante coutume, une invitation à poursuivre
L’église Saint-Pierre en effet, d’origine romane, a multiplié sur sa façade asymétrique les œils-de-bœuf pour se singulariser. A côté d’un chœur du XVIe, la famille de Valon a trouvé repos (sépulture de cette lignée originaire du Limargue et successeur des Pestilhac). Un retable jumeau de celui de Thédirac (XVIIe) et les statues de la Vierge et de sainte Anne, y concourent au recueillement. Plus loin, et au départ de la route d’Escalmels, la petite chapelle Saint-Roch convoque un rite étrange : une jeune fille “pure” de la paroisse, devait y prendre le gros galet conservé dans le sanctuaire, et l’aller plonger dans le Vert pour solliciter la pluie.
Cette coutume fut pratiquée jusqu’à l’orée du XXe siècle. Elle n’est plus guère nécessaire, surtout lorsque les rivières comme il y a peu, quittent leur lit et s’emportent avec excès ; quand elles charrient la boue et provoquent l’inondation. Gigouzac en fut la victime, comme à l’aval Labastide-du-Vert.
Comme une envie de pousser plus loin… La vallée du Vert et ses écarts sont à l’image de la Bouriane, se jouant de la géologie et des paysages, ménageant des surprises, donnant le change des calcaires, des grès, des argiles et des galets. Et c’est à Uzech que fut l’aimable industrie de poteries d’argiles douces, des “oules” qui honorent désormais les épis de faîtage ; à Saint-Denis-Catus ce furent les carrières de galets, à Boissières les tuileries et briqueteries, et à Nuzéjouls, village fleuri des vignerons, les sites d’extraction des argiles réfractaires, de celles que l’on exploitait dans les verreries du Tarn.
Des châteaux, des prieurés et des bourgs ecclésiaux. Peyrilles plus au nord qui fut un château convoité par Richard Cœur de Lion. Non loin aussi cette terre, la lande de Frau, qui fut inhospitalière, un “désert affreux” de marécages et de bois, où les Gourdon favorisèrent l’installation d’un établissement grandmontais en 1235, le Dégagnazès, parmi les 160 maisons de l’ordre qui naquirent dans le renouveau du monachisme. Catus aussi, qui vit au XIe siècle la création de son prieuré Saint-Jean, dépendance de la puissante et lointaine abbaye bénédictine des piémonts italiens, Saint-Michel de Cluse.
Appuyées sur son église Saint-Astier, en mémoire du vieux cloître, ses sculptures étaient apparentées au meilleur des grands chantiers de l’art roman quercinois… Cette promenade s’achèvera sur les rives du Lot, non sans avoir une dernière fois franchi le pont du Vert à Labastide, suivi ses rives aux abords d’un moulin, salué le château de l’abbé et admiré le clocher et les collines qui firent l’inspiration d’Henri Martin (1860-1943). Lui aussi hésita, depuis sa maison de Marqueyrol en 1900, puis celle de Saint-Cirq-Lapopie en 1920, dans leur palette et leur lumière, pour fixer le temps suspendu…
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Texte Ph.Pierre – DireLOT