Voilà quelques années, à l’occasion du centenaire de la donation du château de Montal à l’Etat, DIRELOT est revenu sur cette histoire bouleversante qui, à travers des figures contradictoires, du marchand de bien de triste mémoire Macaire du Verdier à Maurice Fenaille le mécène, en passant par l’immense artiste Auguste Rodin et le discret sculpteur Emile Matruchot, fait aujourd’hui encore de Montal un lieu unique.
Les récits de voyages, à partir des années 1830, trouvent un lectorat surtout intéressé par l’histoire et les richesses monumentales du pays. Le Quercy est une étape obligée et ses trésors architecturaux font la délectation de ces pionniers de l’excursion culturelle. Le château de Montal, comme celui de Castelnau-Bretenoux, reçoivent ces touristes amateurs de géographie, friands d’anecdotes historiques mais observateurs d’un patrimoine assez souvent en déshérence. Ce sont eux qui vont fournir de précieuses informations sur l’état du château de Montal avant le pillage de 1880.
Conquis par ce site, Jacques Antoine Delpon est le premier, en 1831, à décrire assez précisément le château, avec de précieux détails : y est mentionnée l’existence de deux cheminées portant chacune une statue de cerf arborant le blason des Montal, des plafonds aux poutres sculptées en partie peintes et dorées. Dans les Voyages pittoresques et romantiques de la France du baron Taylor en 1835, sont présentées deux lithographies de Montal : la grande salle du rez-de-chaussée et la cour intérieure. Ces planches témoignent de l’utilisation de Montal devenu ferme et auberge.
Alexis du Valon, en 1851, s’émerveille devant ce château « brodé du haut en bas, à l’extérieur et au-dedans, comme l’Alhambra. ». Il le trouve d’ailleurs « infiniment supérieur (à Castelnau) au point de vue de l’art ». L’année suivante, Jean-Baptiste et Eugène Glûck publient l’Album historique du département du Lot. Les textes accompagnés de gravures offrent une vision romantique des monuments. Dans ses Promenades en Quercy publiées en 1863, Etienne Vigé s’attarde lui aussi sur le contraste entre « les ruines géantes du château-fort de Castelnau-Bretenoux qui se dresse, encore terrible, au-dessus des vallées… qu’il a si longtemps menacées » et « le miracle de richesse et de bon goût » que constitue Montal. Propos hélas prémonitoire, il y voit « une œuvre de sculpture qu’un musée serait fier d’étaler dans ses galeries ». Après Le Blanc du Vernet, dans Les merveilles du grand central en 1869, qui voit dans les décors des façades des « héros et (des) dieux mythologiques chantant des hymnes à l’amour », les membres érudits de la Société archéologique de France, en 1877, contemplent encore, « malgré les ravages du temps… la merveille (qu’est) ce manoir inachevé ». C’est là le dernier témoignage avant que ne s’abatte sur Montal la « bande noire » qui va dépouiller sans vergogne tous les éléments sculptés, en façade et à l’intérieur.

Quinze ans plus tard, Harrison Barker, un voyageur anglais, ne peut que constater les dégâts commis par un « vulgaire spéculateur »: tous les éléments sculptés, hormis l’escalier, ont été arrachés pour être vendus. En 1883, le rédacteur du Dictionnaire de l’art et de la curiosité évoque « un édifice tout entier qu’on démolit. On le dépose pierre par pierre pour le placer sur wagon, après avoir créé une route et avoir camionné le tout à travers bois de l’emplacement du défunt château à la station la plus proche de chemin de fer».
Une grande partie de la presse parisienne, après celles du Lot, s’était emparée de l’affaire, dès l’hiver 1880. La première vente des sculptures boulevard de Clichy fit couler beaucoup d’encre et donna un éclat supplémentaire aux enchères qui virent se succéder, « en deux heures de relevé , collectionneurs émérites et princes du sang », chacun emportant un de ces beaux spécimens de l’art français. Déjà, on s’interrogeait sur la singulière destinée de ce château » peut-être en parcourant un musée de New-York ou de Boston, nous retrouverons-nous en face de nos vieilles connaissances de Montal qui auront franchi l’Océan ». Nouveaux propos prémonitoires, car, aujourd’hui, c’est à Londres ou à Philadelphie que sont exposés deux pièces majeures provenant de Montal. Une seconde vente en 1903 dispersera les éléments non vendus, dont la grande frise, acquise par le musée des arts décoratifs de Paris…
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Texte et photos – Anne Dubain