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Le gros bourg aimable de Salviac, siège d’une ancienne baronnie, comme la bastide tardive de Montolza, devenue Cazals, se positionnent elles-aussi à quelques kilomètres des limites de la Dordogne, sur les terres “fluctuantes” au Moyen Âge, entre puissance anglaise et Couronne royale. Leur histoire en délivre le témoignage, au périmètre d’un causse parsemé de caselles et d’un estimable patrimoine de pierre sèche.
Ni castrum ni bastide, Salviac, dont on est tenté d’associer la dénomination à l’origine d’une sauveté, est docilement installée sur le parcours d’un ruisseau concourant à l’Ourajoux. Elle s’auréole autour de sa fière église Saint-Martin-le-Majeur, cousine de la vieille collégiale du Vigan, dans sa tournure de gothique quercinois. Elle fut fondée par Gaucelin de Jean, évêque d’Albe, et élevée entre 1250 et 1330. Sa nef unique à faux transept est dominée par un clocher barlong, elle honore le saint patron des pèlerins et réserve quelques vitraux du XIVe siècle et un tabernacle XVIIe.
Figurant dans les biens de Bertrand de Gourdon, citée dans son hommage au comte de Toulouse en 1226, Salviac prendra quelque essor au XIIIe siècle avec l’ascension de familles bourgeoises et marchandes. Plusieurs fois durant la guerre de Cent Ans, et malgré ses fortifications dressées autour de l’église, la ville connaîtra les agressions des grandes compagnies ; elle sera même hypothéquée aux Anglais en 1287 par Philippe le Bel. La baronnie de Salviac sera d’ailleurs par la suite revendue à Philippe de Jean, seigneur des Junies en 1337, issu d’une famille de banquiers caorsins, et plus que favorable au parti anglais.
Qu’elle ait été postée sur une voie transversale ou une variante des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, Salviac en reprend aujourd’hui le thème dans un charmant jardin médiéval au voisinage de l’office de tourisme, et dans l’ancien enclos du château de Lacoste, son vis-à-vis. Il délivre les quatre divisions du jardin potager, le carré des simples et plantes médicinales, le jardin de Marie ou bouquetier, et l’herbier d’essences rares et naturelles, dans ses ourlets de buis taillé. Cet hortus conclusus est ouvert de grilles, forgées au modèle de celle de l’église du bourg. Une magnifique gloriette, dont la ferronnerie et les motifs sont inspirés d’une miniature des Hospices de Beaune, y prodigue au centre l’ombrage sur un vieux puits, en remploi des anciennes écoles. Le château, dont c’était le potager jadis, présente des atours Renaissance. Il est décrit à quelques temps de la Révolution, sur son “terrain noble, avec cour, écurie et petit jardin”, et doté d’une tour ronde d’escalier, à très belle porte surmontée d’une croisée elle-même encadrée de larmiers sculptés.
Une gloire de dentelles pieuses sur le Céou
Alentour sur son ample plateau au nord, c’est une belle collection de caselles qui se découvre chemin faisant, comme cette curieuse cabane, entre Boulégan et Maraval, à couverture en bonnet de lutin et à toit de charge en lauzes, parmi d’autres à Gamone, Pramil ou Pech Curet, et en compagnie de colombiers ou pigeonniers-tours. C’est sur la commune de Léobard en revanche, sur les rives calmes du Céou au nord, que Guillaume de Gourdon-Salviac fonda en 1242 l’une des dernières abbayes cisterciennes, Sainte-Marie-de-Gourdon, dite l’Abbaye-Nouvelle (cette dénomination résulte d’une fondation antérieure à Lavercantière, Saint-Martin-le-Désarnat). Elevée peu avant le déclin de l’ordre de Cîteaux, mise à mal par les expéditions anglaises et provisoirement redressée au XVIIe siècle pour sa sécularisation, l’abbaye sera pourtant déshabillée après la Révolution. Limitée aux deux travées occidentales, l’église, paroissiale dès 1658 et réactualisée par un nouveau portail de 1669, reprend à l’intérieur comme dans les travées extérieures et au jour, de fines et hautes baies à rose en écoinçon, éclairant leurs voûtes d’ogives. Une salle basse à voûte d’arêtes et une citerne soutiennent le vaisseau, voisiné par les vestiges des bâtiments conventuels, dont le dortoir, le réfectoire et le chauffoir des moines.
Les trois visages de Cazals
Une communauté ecclésiale, un castrum et une bastide : Cazals, petit chef-lieu comme sa voisine de Salviac, s’est dispersé au fil des siècles, du sud-ouest au nord-est de son actuelle situation centrale, la place Hugues Salel, ancien mercadial. A l’origine, et dominant aujourd’hui un agréable plan d’eau destiné à la pêche et à la baignade, la petite église Notre-Dame-de-Ginolhac, sanctuaire rustique au Xe siècle, avait regroupé un embryon d’habitat. Plus tard, en 1196, à l’aplomb du plateau calcaire en situation opposée, le seigneur Fortanier de Gourdon sera maître de son château fortifié où il fixera une population de laboureurs. Site stratégique sur la vallée de la Masse et la route de Gourdon, la place était déjà convoitée par Richard Cœur de Lion, comme le château de Peyrilles d’ailleurs, par delà la lande du Frau de Lavercantière.
Les Cazals, les Guerre et les Bonafos, co-seigneurs du domaine, se rangeront en outre derrière le comte de Toulouse à l’occasion de la croisade des Albigeois. La réponse ne se fera pas attendre : Simon de Montfort prendra possession du castrum en 1214 et les biens des Bonafos et de leurs alliés les Pestilhac – implantés plus bas sur la Thèze -, seront prestement confisqués. Intégré plus tard au domaine royal, le fort sera cédé aux Anglais par Philippe le Bel au XIIIesiècle, avant la création par ces derniers en 1319 d’une bastide, Montolza, au pied du château. Les barri et la ville du “haut cazali” glisseront ainsi vers une géométrie plus centrale autour d’une halle, sa place à couverts, le mercadial, animée de foires et marchés.
Un bastion anglais, le berceau d’une famille loyaliste
Le premier dynamisme des grands marchands et des caorsins, commerçant sur l’axe La Rochelle-Montpellier, poursuivi par les retombées des foires accordées par Guillaume de Tolosa, sénéchal du roi d’Angleterre, seront bientôt atténués par le cantonnement permanent des gens de guerre. Pendant près d’un siècle en effet, les armées du prince de Galles alliées à Benoît de Jean et son fils Philippe, transformeront Cazals en bastion de casernement.
A l’issue de la guerre de Cent Ans, la bastide reviendra dans le giron du domaine royal, mais au prix d’un champ de ruine et d’un désert de peuplement. C’est aux Vieilcastel, en parenté des Salviac, que reviendra le rôle de redresser château et village. Ils reconstruiront leur propre demeure sur les fondations du vieux castrum. Par une série d’alliances et de mariages au fil des générations, ils rétabliront et enrichiront le domaine. Loyalistes, ils se rangeront au roi en se montrant catholiques convaincus pendant les guerres de Religion ; lors de la Fronde-même ils choisiront le parti de la régente Anne d’Autriche et du jeune roi Louis XIV. Charles, baron de Vieilcastel, page de Louis XVI de 1781 à 1784, puis officier des Dragons, fera la campagne extérieure du duc de Bourbon en 1792. Il sera plus tard chambellan de l’impératrice Joséphine, colonel de la Garde nationale, et en 1814 parmi les rares à se rendre à Fontainebleau pour les Adieux de l’Empereur : la fidélité à l’ordre établi toujours…
La place de Cazals est aujourd’hui place Hugues Salel (1504-1554), qui naquit rue Haute et traduisit Homère pour François Ier, et se lia avec Clément Marot à Cahors. Halle et couverts, ruinés à deux reprises, et notamment par les troupes du maréchal de Biron en 1588, ne laissent qu’une place méridionale et quelques vestiges d’arcades. Autour du château, ses fossés et murailles, demeure à une extrémité le castel Rougié ou tour Ruppé, ancien repaire des Bonafos, et à l’autre la maison noble des Gontant-Saint-Geniès et ses croisées à moulures écotées, à trois pas de la Caminade le presbytère ancien. Entre castrum et place Salel, l’hôtel du juge Lavaur, maison protestante, et l’hôtel Salviac de Vieilcastel (XVIIe-XVIIIe) amoindri par l’élargissement de la rue, annoncent l’hôtel de ville XIXe, dont la halle tenait office de marché dans les années 30. En direction de Marminiac enfin, au nord-ouest du bourg, la vieille tour de Maleville restitue la mémoire de Guyon de Maleville, officier au service des Hébrard de Saint-Sulpice, et dont les célèbres “Esbatz du Pays de Quercy” relatèrent sinon l’histoire authentique, du moins la chronique imagée de leur temps !
A suivre…
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Texte Ph.Pierre – DireLOT