« Les bastides ont été à la mode, elles ont un côté attractif, comme les châteaux cathares, constate Hélène Penin, médiatrice du patrimoine au Département et coordinatrice de l’exposition. Mais trop souvent, la bastide est réduite à une vision équipementière : un plan régulier en damier, une halle centrale, des maisons à arcades… Nous avons justement voulu éviter le mythe et les idées reçues, en apportant des vérités historiques. »
L’idée d’une exposition sur le sujet n’est d’ailleurs pas fortuite, ce travail résulte d’un important capital de connaissances issu de l’inventaire du patrimoine architectural médiéval que mène le Département depuis longtemps. En attendant un ouvrage dédié à la maison médiévale, ce travail de médiation autour d’une exposition est une première étape de vulgarisation. « Il y avait un besoin de réactualiser les connaissances sur les bastides, et il y a eu peu de publications grand public sur le sujet jusqu’à aujourd’hui », précise Hélène Penin.
Riche en patrimoine médiéval, le Lot est néanmoins resté en marge du mouvement de création des bastides, étendu dans un large quart sud-ouest de la France, et compte peu d’exemples en comparaison au Tarn-et-Garonne, au Gers, ou à la Haute-Garonne… C’est pourquoi le service patrimoine du Département a privilégié une approche large dans son exposition, en englobant bastides, villes neuves et bourgs « embastidés ». L’occasion de clarifier l’histoire de ces formes urbaines et de révéler leur diversité. Le point commun ? « Ce sont des villes de fondation, conçues entre le milieu du 13eet le milieu du 14e siècle », pose la médiatrice. Le fil conducteur ? Ce parcellaire urbain « tiré au cordeau » qui tranche avec l’organisation rurale de l’habitat.
Des lieux voués au commerce, des opérations de peuplement
De la fin du 11e siècle au milieu du 14e siècle, la croissance démographique entraîne un développement des échanges et des activités commerciales. Au renouveau des villes anciennes s’ajoute la création de villes et de villages neufs : castelnaux fortifiés sous l’autorité de châteaux, sauvetés et bourgs monastiques planifiés autour d’un établissement religieux, et villes neuves à vocation marchande dont les bastides sont à la fois l’héritage et l’aboutissement. Dans le sud-ouest, le comté de Toulouse, qui contrôle la majeure partie du territoire en lien avec de grands féodaux locaux (comtes et vicomtes du Midi), initie dès le 12e siècle toute une campagne de fondation de villes neuves dans le Bas-Quercy. Ce sont autant de postes stratégiques que de lieux voués au commerce, combinés à des opérations de peuplement. Des villes encore fortes mais adaptées aux échanges, prémices d’un urbanisme nouveau qui se pose en modèle. Ainsi Castelnau-Montratier, ancien bourg castral reconstruit au 13e siècle : un nouveau quartier y voit le jour, doté d’une place de marché entourée de rues bien ordonnées, à l’image des bastides. Ou Labastide-Murat, un village fort implanté sur le chemin de Rocamadour : Bertrand de Gourdon veut ainsi assurer la sécurité des pèlerins, mais cherche aussi à attirer une nouvelle population pour développer le commerce et valoriser ses terres. Ces deux villages ne sont pas considérés comme des bastides, malgré le nom de Labastide-Murat qui peut prêter à confusion, issu d’un lieu préexistant dénommé « bastide » et désignant plutôt l’emplacement d’une maison forte (d’autres villages, comme Labastide-du-Vert ou Labastide-du-Haut-Mont, tiendraient leur nom de cette origine).
De 1209 à 1229, la croisade des Albigeois contre le catharisme aura raison du pouvoir des comtes de Toulouse : le traité de Meaux-Paris leur impose une soumission progressive au roi de France. Avant-dernier comte toulousain, Raymond VII se voit interdit de créer toute nouvelle ville fortifiée ; mais attaché à poursuivre sa politique d’implantation, il privilégie donc le modèle déjà expérimenté de la ville marchande. L’autorité royale qui lui succède, en la personne d’Alphonse de Poitiers, frère du roi devenu gendre de Raymond VII, poursuit cette démarche. Des bastides royales vont jalonner le pouvoir monarchique dans la région… la suite prochainement sur le www.direlot.fr
Texte et photos Cpelaprat-DireLOT