DireLOT Magazine a le plaisir de vous dévoiler en exclu le thème de la grande exposition 2021 du musée des écritures.
L’exposition présente un panorama complet de la culture dongba à travers une collection de manuscrits, de peinture sacrée, de costumes et d’instruments de la culture divinatoire dongba jusqu’aux plus importants pionniers de la création contemporaine de style dongba.
Les Naxi forment une des 56 minorités ethniques reconnues par la République populaire de Chine et constituent la société originale vivant principalement dans les provinces du Yunnan (au pied de la montagne Yulong dans le district autonome de Lijiang), du Sichuan et de façon plus dispersée dans la région autonome du Tibet.
Les prêtres-chamanes dongba (« Ceux qui savent ») sont les premiers dépositaires des savoirs traditionnels et sacrés des Naxi. Se transmettant de maître à apprenti les savoirs et les coutumes, les Dongba ont retranscrit les danses et les chants rituels accompagnant plus de 130 cérémonies ainsi que leurs mythes et légendes au moyen de pictogrammes.
Désormais, la transmission de la culture dongba aux jeunes générations ne s’opère plus de manière traditionnelle mais au sein d’écoles d’apprentissage et par la réintroduction de cérémonies dans certains villages. Les manuscrits dongba, principal support de ce qui constituerait la dernière écriture pictographique au monde, ont été inscrits par l’UNESCO en 2003 au registre « Mémoire du monde ».
ENTRETIEN AVEC ASTRID NARGUET
COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION
Qu’est-ce qui a orienté votre choix sur cette thématique d’exposition ?
Le choix de la thématique de l’exposition me semble très actuel dans le sens où il s’inscrit dans le besoin de spiritualité et de signification, d’union entre l’être humain et le cosmos dans nos sociétés modernes.
La culture dongba est vivante et vitale, l’écriture pictographique, ses rites et traditions sont toujours présents dans la vie quotidienne des Naxi. J’aime faire le rapprochement avec la religion égyptienne et ses « statutes vivantes » capables de s’animer selon les rites magiques qu’on leur applique.
En effet, l’exposition « Dongba : des pictogrammes naxi à l’art contemporain » nous fait découvrir une culture unique au monde avec l’écriture pictographique. Cette écriture traduit l’inconscient de l’homme dans la réalité de la vie par l’intermédiaire des prêtres dongba, qui avec la maitrise de l’écriture des images, nous offrent la clé symbolique du monde.
Le monde pour les Naxi est le temple de toutes les manifestations du sacré, c’est pourquoi le rapport entre l’homme et la nature est un élément fondamental de leur culture.
Aujourd’hui les enjeux de l’homme avec l’environnement sont majeurs pour le futur et se plonger dans la magie de l’espace sacré dongba à travers l’écriture des images me semble en symbiose avec la mission du Musée Champollion et l’ère du temps présent afin de mieux aborder le moment historique car le temps, l’évolution, les mutations nous ont fait naturellement ce que nous sommes.
Quelles sont les spécificités de la culture dongba ?
Les spécificités de la culture dongba sont développées dans les différentes sections de l’exposition, soit en quelques mots :
les manuscrits dongba, principal support de ce qui constituerait la dernière écriture pictographique au monde, classée par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité en 2003, les cérémonies rituelles dongba avec leurs objets de culte et évidemment l’art contemporain qui joue quant à lui un rôle fondamental de transmission dans la société moderne naxi et reflète la prise de conscience des artistes concernant un patrimoine toujours menacé d’extinction.
Quel rapport à l’écriture possède cette culture ?
Le rapport est symbolique, le symbolisme de l’image dans la réalité, dans chaque parcelle du quotidien, jusqu’aux pictogrammes de bon augure sur les portes des habitations. Le pouvoir de l’écriture.
Il est intéressant de réfléchir sur ce dernier point. En effet, nous vivons dans un environnement technologique de l’image reflétant le rythme frénétique de notre culture de consommation alors que l’image symbolique naxi est riche de sens et d’éternité. Elle a permis la survie de la culture dongba jusqu’à nos jours. Le rapport à l’écriture naxi lui permet un autre regard sur le monde et sur sa signification.
Quels sont les enjeux de la transmission de cette culture aujourd’hui ?
Les Naxi entre modernité et tradition : dans le contexte de modernisation fulgurante, la transmission de la culture dongba reste un enjeu de première importance. Tout d’abord, on assiste actuellement à la recrudescence de l’intérêt des chercheurs du monde entier, d’institutions culturelles chinoises et étrangères, ce qui permet de garder une vision positive de la conservation de la culture dongba.
Personnellement, je crois que l’art contemporain dongba jouera un rôle fondamental de transmission dans la société moderne, permettant la prise de conscience collective concernant un patrimoine exceptionnel toujours menacé d’extinction mais que les Naxi continuent de faire VIVRE.
Les artistes contemporains sont le lien entre la tradition et la modernité, tout comme Zhang Chun He, l’un des pionniers de la peinture contemporaine dongba, qui réalisa à Lijiang, une sculpture monumentale de 200 mètres de long représentant l’œuvre la plus significative de la tradition dongba, c’est-à- dire la Route Sacrée qui conduit l’âme vers l’au-delà.
Dinbashiluo
2019
Encre et couleurs sur coton
Prêt de l’Academy of Dongba Arts, Lijiang Teachers College Photo. (c) Lijiang Teachers college
Dingbashiluo est le fondateur légendaire de la religion dongba, il correspond à la figure de Ton- pa-Gshen-Rab dans la religion Bön tibétaine. Sa peau est toujours représentée de couleur verte et sa posture est similaire à celle du Bouddha sur un trône de lotus. Il a le pouvoir de chasser l’esprit du mal et est vénéré par le peuple naxi. La peinture de Dingbaoshiluo est utilisée pour la plupart de leurs cérémonies. Dans ce cadre, elle est toujours placée au centre de l’espace rituel, entourée d’autres images de divinités.