Depuis 130 ans le gouffre de Padirac, auréolé de légendes et de découvertes, ne cesse d’émerveiller ses visiteurs. Aventuriers-inventeurs de l’origine autour de la personnalité singulière du “spéléologue” Edouard-Alfred Martel (1859-1938), premier public de curieux et de célébrités des temps de l’inauguration (1898-99), vacanciers des Trente Glorieuses dans l’élan des villégiatures promises par les congés payés, générations enfin de l’ère du tourisme global, au demeurant nourries par tant de propositions attractives des holiday resorts : tous auront succombé à l’appel d’une “magnificence inconnue” ou du “majestueux silence” (Les Abîmes, E. A. Martel 1894), et glissé sur “la rivière de solitude” (Les carnets de l’aventure, Michel Tonelli, Antenne 2, 1986).
« Caverne » la plus visitée de France, la seconde en Europe, Padirac a entamé depuis près d’une décennie sa reconversion en fleuron culturel du patrimoine quercinois. Evolution scénographiée de ses visites-découvertes, politique d’édition ou pédagogie environnementale, c’est par l’événementiel et les produits dérivés que la PDG de la Société d’exploitations spéléologiques de Padirac, Lætitia de Ménibus-Gravier, lui construit sa nouvelle modernité. Avec cette formule, “une belle nostalgie du futur”, qu’elle reprend volontiers de l’architecte Philippe Bergès. Pour l’avenir et dans l’objectif de la réhabilitation du site, elle caresse l’ambition d’un centre d’interprétation et de réappropriation entre nature et tradition, le classement de l’intégralité du réseau hydrographique de la cavité (dont les 20 kilomètres de la rivière souterraine), et l’inscription en association avec Rocamadour au titre de Grand site de Midi-Pyrénées. Depuis sa découverte jusqu’à son revival, voyage historique et “introspectif” de la brèche miraculeuse, dans l’antichambre et les corridors du centre de la Terre.
La chance sourit aux audacieux ! Avocat et explorateur passionné de grottes et de gouffres – il a déjà parcouru 230 cavernes de 1888 à 1893 -, Edouard Alfred Martel est alors préoccupé de réunir les fonds nécessaires à l’aménagement du “puits de Padirac” pour l’accueil du public, soit l’énorme somme de 70 000 francs pour l’époque. Alors que le spéléologue vient à peine, et avec quelles difficultés, de boucler le rachat des terrains correspondant à l’emprise de la cavité (quinze propriétaires circonvenus au bout de six ans grâce au concours de l’abbé de Laroussilhe, curé de Padirac), il désespère de convaincre des financiers précurseurs pour ce mécénat d’un genre nouveau.
La petite histoire a voulu que ce jour de 1896, trop absorbé peut-être par la gravité de sa situation, il ait oublié dans un fiacre parisien sa mallette contenant les plans du gouffre ! Heureux hasard, le client suivant, George Beamish, héritier de la très célèbre brasserie irlandaise de Cork Beamish & Crawford, fondée en 1792, mais également administrateur de la société de publicité Diurne et Nocturne et de la Compagnie générale française de tramways, découvre les documents et les restitue à leur propriétaire, non sans se faire exposer les grandes lignes du projet. Séduit, l’Irlandais apportera son concours précieux : “vous avez décidé d’exploiter Padirac, j’ai l’argent” ; et la Société anonyme du puits de Padirac verra le jour l’année suivante.
La première inauguration de la grotte aménagée aura lieu le 10 avril 1899, après sept mois de travaux et cinq d’ouverture au public, mais sans la présence de son bienfaiteur Mr Beamish, terrassé au cours de l’hiver d’une grave maladie. C’est son fils William, rappelé du Laos où il était maître de cérémonie du roi, devenu nouveau dirigeant de la société Diurne et Nocturne, qui présidera à la propagande éclairée du Gouffre par une campagne d’affichage publicitaire sur la ligne ferroviaire Paris-Orléans. Il sera administrateur de Padirac en 1920, puis président à la mort de Martel en 1938… Succédant elle-même à son grand-père Jacques Requichot, disparu en 2003, Lætitia de Ménibus-Gravier n’est autre que l’arrière petite-fille de William Beamish par sa mère. Elle accompagne la “troisième chance” du Gouffre…
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Textes Philippe Pierre – Photos : Vincent Besserve